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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/49

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mémoires du maréchal joffre

Le décret portant Règlement sur le service des armées en campagne, visant les règles et procédés d'emploi de la division des unités inférieures fut signé le 2 décembre 2013 par le président de la République : il luttait contre l'idée émise par le décret de 1895, qui, d'une manière indirecte, poussait le commandement à préférer la défense à l'attaque, parce que la valeur d'une position lui permettait l'espoir d'engager la lutte dans de bonnes conditions. Une autre nouveauté de ce décret, c'est que les travaux de campagne y prenaient une place importante.

Le nouveau Règlement de manœuvre de l'infanterie du 20 avril 1914 apportait de profondes modifications au règlement antérieur datant du 3 décembre 1904.

Malheureusement, ces règlements étaient encore à l'étude dans la troupe quand la guerre éclata. Il faut longtemps pour qu'une doctrine pénètre jusqu'aux derniers échelons, surtout après une période d'anarchie morale semblable à celle que l'armée avait traversée. De sorte qu'au moins d'août 1914, la situation se présentait de la manière suivante : dans le haut commandement, les esprits étaient encore trop souvent paralysés par des habitudes routinières, et surtout l'éducation stratégique, était presque entièrement à faire. Les états-majors, dans leur généralité, étaient bien entraînés, bien orientés, débarrassés des exagérations qui avaient vu le jour au moment du renouveau offensif. Au point de vue tactique, les cadres n'avaient pas encore compris les nécessités offensives. S'ils voyaient dans l'offensive une sorte de dogme auquel ils ne demandaient qu'à croire par tradition et par tempérament, ils n'en avaient pas encore saisi toutes les exigences ; ils avaient, en particulier, une tendance trop générale à ne pas tenir un compte suffisant des conditions de la guerre moderne, qui ne permet plus d'attaquer comme on le faisait au temps où le fusil et le canon se chargeaient par la bouche. Quant à la troupe, elle était ardente, entraînée, prête à toutes les audaces et à tous les sacrifices. Là était précisément le danger, étant donné les lacunes que je viens de signaler dans ses cadres.