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mémoires du maréchal joffre

il rapportait la conviction absolue qu'une artillerie lourde à grande portée était indispensable dans la guerre moderne : "Il ne semble pas douteur, disait-il, qu'une artillerie à longue portée rencontrera, même dans la guerre de campagne, des occasions fréquentes de prendre barre sur une artillerie à moyenne portée, comme un duelliste muni d'une grande rapière sur un adversaire armé d'une épée de cour."

La publication de ce rapport provoqua un vif émoi dans les milieux militaires et parlementaires : à nouveau une vive polémique s'engagea entre les partisans exclusifs du 75 et ceux qui prônaient la nécessité d'une artillerie lourde. L'expérience du général Herr décida les hésitants, et, sur mes instances, en avril 1913, on commanda, sur simple autorisation de la Commission du budget, 220 pièces du modèle de 105 long du Creusot. La moitié de cette commande devait être construite aux usines Schneider, l'autre moitié dans les établissements de l'artillerie ; la livraison de ces pièces devait s'échelonner d'août 1914 à juillet 1915.

C'est ce modèle très bien étudié qui fit son apparition au front dans les premières semaines des hostilités. Il avait une portée de 12 km. 300 et lançait un obus de 17 kilos contenant 1 kg. 870 d'explosif. Son rôle fut, somme toute, assez modeste : ce n'était qu'un 75 agrandi, prolongeant le tir du canon de campagne. Il n'avait rien d'une pièce à grands effets de destruction. D'ailleurs nous ne disposâmes au début des hostilités que d'un petit nombre de ces canons. En effet, sur les instances des services techniques, la commande de 110 pièces faite au Creusot, fut réduite à 36, et la commande passée à Bourges fut annulée.

A la suite des expériences poursuivies à Mailly en 1912, et de l'épreuve favorable des manoeuvres, l'obusier de camapagne du Creusot avait été adopté ; un crédit de 80 millions avait été inscrit dans le projet de 500 millions déposé en février 1913 pour contribuer à la défense nationale. La dépense élevée que représentait la construction de cet obusier impressionna vivement le Parlement. Aussi, au cours de la discussion, le gouvernement, s'appuyant sur