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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/101

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le postillon fouettant de toutes ses forces, et la chaise reculant toujours. Nous voulons mettre des pierres sous la roue ; l’impulsion de la voiture en arrière était déjà trop forte pour être arrêtée, et nous la voyons se diriger vers le précipice. Enfin, le postillon appelant vainement à son aide Sant-Antonio, se jette à bas précisément sur le bord du chemin, et la voiture et les chevaux font le saut.

Il est vrai de dire que ce précipice était infiniment moins terrible que ceux dont nous avions parcouru les bords toute la nuit. La première chute était d’environ vingt pieds ; et dans cet espace les traits se rompirent, et les chevaux, après avoir resté quelques momens étourdis, se relevèrent et se mirent à brouter sur une petite lisière de terre faisant terrasse, tandis que la chaise continua de rouler. Dans le reste de la pente, la terre était assez meuble, et couverte de broussailles qui amortissaient la rapidité de la descente. La chaise, à longs brancards et sans ressorts, étant chargée de deux grosses malles, son derrière, où était le centre de gravité, descendait le premier et la dirigeait, tandis que les brancards et la dossière, portant sur la terre et s’embarrassant dans les arbrisseaux, retardaient encore la vitesse de sa chute. Mais ce qu’il y eut de plus heureux, c’est qu’en descendant ainsi, le derrière de la voiture rencontra, environ aux deux tiers de la pente, un arbre assez gros, qu’il déracina en partie et plia, et sur lequel la voiture demeura comme à cheval. Les planches qui por-