Aller au contenu

Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taient les malles, ayant reçu par leur tranchant toute la force du coup, la chaise ne fut pas brisée. Nous en fûmes quittes pour quelques boulons cassés, et pour demeurer là deux ou trois heures, en attendant que, par un détour d’une demi-lieue, on tirât la voiture en coupant l’arbre sur lequel elle s’était perchée, et qu’on la ramenât dans le chemin à travers tous les circuits de la vallée. Il est probable que, si nous eussions été dans la chaise, notre voyage se fût terminé là : car, soit en voulant nous jeter dehors, soit en rendant la chute plus rude et en changeant la direction de la voiture, nous eussions beaucoup plus mal réussi. Notre postillon nous assura bien, et demeura convaincu, que c’était un miracle de Sant-Antonio, et nous dit qu’il fallait lui faire dire une messe que nous lui payâmes de bon cœur, mais dont je crois fort que Sant-Antonio n’a pas tâté.

L’abbé de la Galaizière, arrivant à Rome des derniers, trouva toutes les places de conclavistes prises. La plupart de nos camarades de voyage n’en eurent point non plus. Mais comme ce n’est pas là le seul but d’un voyage à Rome, ils s’en passèrent. Nous courions les églises et les palais et les monumens. Je dois dire à ma honte que l’impression que je recevais de ces chefs-d’œuvre des arts était faible, en comparaison de celle que je voyais dans quelques véritables amateurs et dans les artistes. D’abord, ma vue est un peu courte, ce qui est un désavantage immense ; mais ensuite, je suis fort