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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/103

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incliné à croire que l’habitude de penser un peu profondément, d’occuper au-dedans toutes les facultés de son âme, de se concentrer pour ainsi dire en soi, est, jusqu’à un certain point, ennemie ou exclusive de la sensibilité que demandent les arts du dessin. Difficilement un métaphysicien sera-t-il un habile artiste, ou un habile artiste un bon métaphysicien. Celui-ci est un homme intérieur, qui ne voit qu’en lui-même, qui a, si j’ose ainsi parler, les yeux tournés en dedans ; l’artiste et l’amateur sont, au contraire, tout yeux et tout oreilles ; leur âme se répand au-dehors ; les couleurs, les formes, les situations, voilà ce qui les frappe sans cesse, tandis que le philosophe n’est occupé que de rapports, de différences, de généralités, d’abstractions.

Que cette opposition de l’esprit et du goût des beaux-arts avec l’esprit métaphysique et philosophique, soit générale ou non, je déclare qu’au moins elle est en moi jusqu’à un certain degré. Les tableaux m’ont fait peu de plaisir.

J’en ai goûté davantage aux statues. Mais l’architecture est ce qui a produit sur moi la plus forte impression. L’église de Saint-Pierre et toutes les belles églises de Rome, le Panthéon, le Colisée, d’autres ruines antiques, les édifices de Florence et la belle architecture du Palladio à Padoue, Venise et sur la Brenta, voilà ce qui fixait le plus mes yeux et mon attention.

Cette manière d’être me disposait naturellement