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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/114

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deur de France donnât le soir au peuple une illumination et un concert. L’évêque de Laon, Rochechouart, notre ambassadeur, logé au palais de France, place Saint-Marcel, avait fait établir un orchestre d’instrumens à cordes, sur un échafaud dressé au-devant de la façade, et un autre orchestre d’instrumens à vent, vis-à-vis, à l’autre côté de la petite place, chacun composé de plus de cent instrumens. La rue qui est le Corso, et la place, étaient couvertes de peuple. Les deux orchestres se répondaient alternativement et se réunissaient dans ces grands tutti, l’effet était admirable, le silence du peuple était profond, et on pouvait lui appliquer avec justesse le


Densum humeris bibit aure vulgus.


Mais il fallait entendre, à la fin de chaque pièce, les cris de sensibilité et de joie de cette multitude, et ses transports, ô benedetto ! ô che gusto ! piacer da morire, etc. J’en ai vu qui, ne sachant à qui s’en prendre de tant de plaisir, embrassaient les chevaux des carrosses mêlés parmi la foule ; et l’on sait que les chevaux italiens ne sont pas doux comme les chevaux anglais, ni même autant que les nôtres. Au milieu de ce délire, la plupart de nos Français n’entendaient que du bruit, et se gardaient bien d’y apporter la moindre attention.

Je conservai pendant mon voyage, quelque relation avec mes amis de Paris, M. Turgot, Dide-