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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/116

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tions que me donnait mon voyage, m’empêchèrent de suivre la destinée du livre de l’Esprit avec l’intérêt que j’y eusse mis sans doute au milieu de mes amis philosophes, qui regardaient tous Helvétius comme un apôtre et un martyr de la philosophie. Les Italiens, parmi lesquels je vivais, ne s’en occupaient pas encore, quoique ce fût le pays de l’Europe où cet ouvrage devait avoir le plus grand succès, et a fini par l’obtenir ; car, de tous les Européens, ceux qui estiment le moins l’humanité sont, sans contredit, les Italiens, qui, en général, ne croient pas assez à la vertu, et qui disent presque tous, dès vingt ans le mot de Brutus, qu’il ne faut dire, comme lui, qu’en mourant :


Ô vertu, tu n’es qu’un vain nom !


Quand je parle, au reste, du succès de ce livre en Italie, j’entends auprès des hommes qui y cultivent la philosophie, et non des moines et du clergé : ceux-là savaient à peine qu’il existait, et je citerai à ce sujet une balourdise de je ne sais plus quel cardinal, qui, ayant entendu parler d’un ouvrage d’Helvétius, fermier général, et lu en même temps dans les gazettes quelque expédition militaire du général Fermer, commandant un corps de troupes russes, nous dit un jour après avoir bien pensé : Non sapevo che il general