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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/27

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dont il était le doyen ; elle sera mon excuse, si, renonçant aujourd’hui à ces entretiens littéraires qui ont coutume de remplir les solennités académiques, je vous parle seulement de vos regrets, et ne mêle point à votre deuil des ornemens étrangers.

Une constitution forte, des traits prononcés, une âme ferme et un esprit droit, formaient dans M. Morellet l’équilibre le plus favorable à l’empire de la raison. Il n’a ressenti qu’une passion ; ce fut l’amour de la vérité, et à sa suite le goût de l’ordre et de la justice, qui en sont inséparables. Je me hâte de signaler ces traits primitifs, parce que l’empreinte n’en fut point, effacée. Il règne en effet un tel accord dans la vie de cet homme de lettres, que chaque partie séparée en révèle toutes les autres. Le philosophe centenaire garda toutes les opinions du jeune licencié, parce que celui-ci n’en avait admis aucune légèrement ; son cœur fut sans orages, comme sa raison sans faiblesse ; sa tête n’a point eu de déclin, et sa conscience n’a fléchi ni sous le temps ni sous la fortune.

Que l’on cherche dans leurs œuvres la vie des autres écrivains ; c’est dans la sienne qu’il faut apprécier les livres de M. Morellet. Presque tous, sortant de la classe oisive des spéculations, unirent l’acte et la pensée, l’intérêt du présent et les vues de l’avenir. Je risquerais de n’en laisser qu’une idée incomplète, si, par un jugement purement littéraire ; je les détachais des conjonctures qui les virent naître, et si je ne vous montrais tour-à-tour dans chacun d’eux, ou l’impulsion donnée à son siècle par une âme courageuse, ou les services rendus à son pays par un bon, citoyen.

Transplanté à quatorze ans de Lyon dans la capitale, M. Morellet s’y fortifia par de longues études ; lorsque les