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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/28

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bancs de la scolastique le cédèrent au monde, une agitation générale s’y développait. Réveillés de l’assoupissement où les avait tenus le pacifique vieillard de Fréjus, les esprits essayaient d’ouvrir à la gloire nationale des routes indépendantes ; la composition de l’Encyclopédie était le centre de ce mouvement : par des articles concis et raisonnables, que la censure a respectés, M. Morellet y exposa les subtiles notions de la métaphysique et de la théologie.

Tout a été dit en bien et en mal sur cette entreprise, et sur les défauts inévitables de sa première exécution mais le service éminent qu’on ne peut lui contester, c’est le rapprochement qu’elle opéra entre toutes les branches du savoir. Les anciens avaient dû leur supériorité au commerce des philosophes et des artistes avec les poëtes et les orateurs : nous eûmes alors une semblable alliance, d’abord fictive dans les volumes inanimés d’un dictionnaire, et ensuite réalisée par le temps. En effet l’Institut naquit, et l’Encyclopédie fut vivante. L’Europe reconnut ce sénat des arts, où chaque faculté de l’esprit a ses représentans, et dont la noble mission est de perfectionner l’homme tout entier.

À ces travaux faits en commun, M. Morellet en joignit qui lui furent propres. Il voyageait alors en Italie si je vous disais qu’un jour, égaré dans ces grottes, où les poëtes ont placé les bouches de l’Averne, il parvint un lieu de désolation, où il surprit le secret des prêtres infernaux, le code des furies, et le spectacle des sacrifices humains, ce récit fabuleux serait le voile d’une vérité. M. Morellet découvrit en effet un exemplaire du Manuel des Inquisiteurs, et en publia une traduction abrégée, mais nue, sans réflexions, et dans son horreur