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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/345

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ques personnages particuliers. — Menez moi chez les philosophes. — Il y en a deux qui demeurent ici près, dans ce jardin. Ils sont de très-bons voisins, et très-amis l’un de l’autre. — Qui sont-ils ? — Socrate et Helvétius. — Je les estime prodigieusement tous les deux ; mais faites-moi voir premièrement Helvétius, parce que j’entends un peu de français et pas un mot de grec. Il m’a reçu avec beaucoup de courtoisie, m’ayant connu ; disait-il, de caractère, il y a quelque temps. Il m’a demandé mille choses sur la guerre et sur l’état présent de la religion, de la liberté et du gouvernement en France. — Vous ne me demandez donc rien de votre amie Mme Helvétius ? et cependant elle vous aime encore excessivement ; il n’y a qu’une heure que j’étais chez elle. — Ah ! dit-il, vous me faites souvenir de mon ancienne félicité ; mais il faut l’oublier pour être heureux ici. Pendant plusieurs années, je n’ai pensé que d’elle. Enfin, je suis consolé. J’ai pris une autre femme, la plus semblable à elle que je pouvais trouver. Elle n’est pas, c’est vrai, tout-à-fait si belle ; mais elle a autant de bon sens et d’esprit, et elle m’aime infiniment. Son étude continuelle est de me plaire ; elle est sortie actuellement chercher le meilleur nectar et ambroisie pour me régaler ce soir ; restez chez moi et vous la verrez. — J’aperçois, disais-je, que votre ancienne amie est plus fidèle que vous ; car plusieurs bons partis lui ont été offerts, qu’elle a refusés tous. Je vous confesse que