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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/48

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en vers d’une mesure différente, sans altérer la pureté de la pensée ; il y avait même, je crois, quelque élégance dans les tournures.

En rhétorique, je ne fus pas si heureux. Je trouvai là, pour régent, un jésuite gentilhomme et provençal, appelé Pont-de-Vesse, qui ne fit pas grand état des petits talens du fils d’un petit marchand, et qui certainement, en beaucoup d’occasions, ne me rendit pas justice. Mes progrès furent encore interrompus. Mais j’avais déjà pris quelques bons principes et quelque goût. Je lisais sans cesse Horace et Juvénal, La Fontaine et les Lettres provinciales, entendant de ce dernier ouvrage ce que je pouvais, et, malgré mon ignorance du fonds des idées, sentant ce que la forme avait de piquant et d’ingénieux.

Ma rhétorique achevée, il fut question, pour mon père, de prendre un parti sur mon compte. J’avais quatorze ans. Un mien oncle, qui ne manquait pas de sens, et qu’on appelait dans la famille le docteur, parce qu’il lisait la gazette, entretenait quelques relations avec la famille du supérieur du séminaire des Trente-trois, à Paris ; ce supérieur était de Lyon, et s’appelait Sarcey. Le docteur obtint de lui, par l’entremise de ses parens, qu’on me recevrait dans son séminaire pour une modique pension de 300 fr., si je m’en souviens bien, avec promesse de sa part que, si je montrais quelque application et quelque talent, j’aurais une bourse.

Ce plan contrariait le petit projet que j’avais déjà