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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/49

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formé de me faire jésuite. Je résistai quelque temps autant que je le pouvais, ayant affaire à un père violent, et à la grande autorité de mon oncle. J’alléguai d’assez bonne foi ce qu’on appelait, en ce temps-là, une vocation. Mais enfin, je me soumis, et on m’envoya à cheval, par des voituriers, à une tante que j’avais à Roanne ; et de Roanne, je voyageai par la Loire et le canal de Briare, avec des bateliers, qui m’obligeaient de leur payer à chaque station tout le vin qu’ils buvaient, et qui consommaient les provisions que m’avait données ma tante ; et c’est ainsi que je commençai mon apprentissage du métier de dupe, que j’ai souvent fait depuis.

Arrivé au séminaire, vers la fin de 1741, j’eus moins de peine qu’un autre à me soumettre à la vie dure qu’on y menait, la maison paternelle ne m’ayant pas gâté. On s’y levait à quatre heures et demie, en hiver comme en été, et la rigueur de cet usage ne fut adoucie qu’à la troisième ou quatrième année de mon séjour, par la tolérance du supérieur, homme de sens, qui, en maintenant la régularité dans sa maison, était pourtant disposé à l’indulgence.

Le séminaire des Trente-trois était renommé, parmi les séminaires de Paris, pour les bonnes études. Aussi a-t-il fourni un grand nombre de sujets aux chaires de l’université, à celles de Sorbonne, aux cures de Paris, aux places de grands--