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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/65

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bien, et je puis croire qu’il n’y avait pas véritablement quinze de mes confrères qui valussent mieux que moi ; mais j’étais obscur, je n’avais aucune protection ; je fus fort content de mon lot.

C’est au milieu de ces hommes et de ces occupations, que j’ai passé dans la maison de Sorbonne les cinq années, que je me rappelle encore avec plaisir.

Je me souviens qu’à la fin de notre licence, plusieurs d’entre nous partant pour aller à leurs diverses destinations dans la carrière ecclésiastique, nous dinâmes ensemble chez l’abbé de Brienne, et que nous nous donnâmes rendez-vous en Sorbonne en l’année 1800, pour jouer une partie de balle derrière l’église, comme nous faisions souvent après le dîner. Cette partie serait sans doute moins nombreuse ; car, de quatorze ou quinze que nous étions en 1750, la plupart ne sont plus. Elle ne serait pas non plus jouée fort lestement, puisque j’aurais alors soixante-quatorze ans sonnés[1]. Mais un autre obstacle qu’aucun de nous ne prévoyait, aurait rompu notre partie de balle. La Sorbonne n’existe plus : la nation s’est emparée d’un établissement qui ne lui appartenait pas plus que les

  1. Au moment où je relis ceci, mars 1815, j’ai soixante-dix-huit ans faits, et je suis le seul de mes confrères que je sache vivant.