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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/68

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comme on disait alors, à un abbé d’Almeyda, portugais, neveu de l’archevêque de Lisbonne, et d’une des meilleures familles du pays. Je fus présenté dans cette vue au jésuite, l’homme du plus grand crédit dans la Société qui allait bientôt être dissoute, mais dont assurément personne, en 1753, ne croyait la destruction possible. Il me reçut avec toute la morgue et la dignité d’un protecteur, et d’un protecteur jésuite ; mais ce qu’il fit vraiment en jésuite, ce fut de me faire parler. Je parlai, je mis en avant des plans d’éducation, des principes de philosophie, etc. Sans doute, il entrevit dans cette conversation le bout d’oreille, je ne dis pas du philosophe, mais de celui qui cherchait à le devenir ; car, quelques jours après, mon patron me fit venir, et me dit que l’affaire était manquée, qu’on m’avait trouvé trop jeune ; et cela était vrai peut-être. J’ai pensé depuis, quelquefois en riant, et quelquefois en frémissant, à ce que je serais devenu au milieu de prêtres et de jésuites portugais, et dans un pays d’inquisition, moi, qui ai écrit depuis le Manuel des inquisiteurs et plusieurs autres ouvrages sentant l’hérésie ; moi, qui, sans rien écrire, me serais bientôt mis en rapport avec la sainte inquisition.

Cette affaire manquée, il fallut chercher quelqu’autre espérance, et mon embarras était grand ; au bout de quelques mois, mon bon supérieur de séminaire vint à mon secours.

Il avait quitté la conduite de la maison des