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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/96

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de vos talens. Je vois, encore avec plus de regret, que des traits semés avec imprudence dans l’ouvrage dont vous avez été un des éditeurs, donnent lieu à des accusations dont les suites sont toujours fâcheuses. Mais je mets une grande différence entre ce qui me déplaît, ou même ce que je désapprouve comme particulier, et ce que je dois empêcher comme homme public.

Mes principes sont qu’en général la critique littéraire est permise, et que toute critique qui n’a pour objet que le livre critiqué, et dans laquelle l’auteur n’est jugé que d’après son ouvrage, est critique littéraire.

Ce n’est pas que, si un auteur abusait de cette permission jusqu’à diffamer ses adversaires en matière grave, ceux qui se croiraient lésés ne pussent se pourvoir devant les tribunaux réglés, comme il est arrivé plusieurs fois ; mais la fonction de l’administrateur de la librairie, et celle du censeur, consistent point à prévenir de pareils abus ; sans quoi il serait à craindre que, sous prétexte d’empêcher la diffamation personnelle, on n’empêchât les critiques qu’on trouverait trop dures, et qu’on ne vint par degrés à interdire toute espèce de critique, ou à y mettre de telles gênes qu’on les réduirait presqu’à rien.

L’accusation d’irréligion sort, me direz-vous, des bornes de la critique littéraire ; mais on vous répondra qu’il est impossible de défendre la cause de la religion sans démasquer ceux qui l’attaquent ;