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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/12

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l’avait fait s’attacher à ce qu’on appelle le parti de Brissot, dont la ruine a entraîné la sienne, les jacobins et Robespierre, à leur tête, ayant poursuivi avec acharnement tous ceux qui étaient liés à cette faction.

À l’époque de l’arrestation de Brissot et de ses partisans, il se déroba aux poursuites des vainqueurs, et vécut errant et caché : ce qui est le comble de l’infortune.

Il avait été recueilli à Paris par une femme qui ne le connaissait que de réputation, et lui avait donné généreusement un asile. Il y était resté jusqu’aux visites domiciliaires du mois d’avril 1794. À cette époque, et sans doute pour ne pas exposer son hôtesse, il avait quitté sa retraite, et il était sorti assez heureusement de Paris, sans carte civique, avec un bonnet blanc sur la tête. Il avait erré quelques jours dans les environs de Clamart et de Fontenay-aux-Roses, et dans les bois de Verrière, à deux ou trois lieues de Paris.

M. et Mme Suard, chez lesquels il avait logé plusieurs années et dont il avait été le plus intime ami, mais qui ne le voyaient plus depuis la mort du roi, avaient une maison à Fontenay, composée de deux corps-de-logis : l’un était loué à M. de Monville, conseiller au parlement. Condorcet se présente un matin à la porte de M. de Monville, croyant aller chez Suard. Un domestique vient lui ouvrir ; le malheureux fugitif était fait comme un pauvre, une barbe longue, un méchant habit, blessé à un