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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/14

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tabac, dont il lui dit avoir éprouvé le plus pressant besoin. On lui en fait un cornet, qu’il a encore le malheur d’oublier en partant.

Suard court à Paris, et s’adresse à Garat. Celui-ci se rend à Auteuil, et tire de Cabanis, employé alors dans les hôpitaux, une espèce de lettre de passe bien ancienne, destinée à un soldat sortant de l’hôpital pour passer d’un département dans un autre. Suard revient avec ce passe port informe, et attend Condorcet, qui était convenu avec lui qu’il reparaîtrait le lendemain à huit heures du soir. Il fallait que Suard fit écarter sa servante ; sa femme l’emmène avec elle sur les trois heures, allant faire une visite dans le village. Resté seul, il attend. Toute la soirée se passe sans voir paraître personne ; sa femme rentre à neuf heures et demie. Ni ce jour, ni les deux jours suivans, ils n’en ont aucune nouvelle ; enfin, le soir du troisième jour, ils vont passer la soirée dans une maison du village, et là ils entendent raconter qu’on a arrêté un homme à Clamart, qu’on croit être Condorcet ; et cela était vrai.

Le malheureux, sortant de chez Suard, d’où il avait emporté un morceau de pain, était retourné dans les bois de Verrière, où il avait passé la nuit.

Le lendemain matin, il était allé à Clamart ; et il mangeait avec avidité une omelette dans une auberge, lorsque sa barbe longue, son extérieur négligé, son air inquiet, le firent observer par un de ces zélateurs, espions volontaires qui infestaient