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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/41

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d’assiduité, de vigilance, de courage, de patience, de sacrifices, il leur fit atteindre miraculeusement le 9 thermidor, et les tira de prison cinq ou six semaines après cette époque mémorable, dont les effets salutaires ont été bientôt arrêtés par l’influence toujours puissante des mêmes hommes qui avaient établi l’affreux régime du pillage et de la terreur.

Après avoir recouvré sa liberté, M. de Boufflers me fit dire qu’elle savait le tendre intérêt que j’avais pris à ses malheurs (pouvais-je y être insensible ?) et qu’il fallait oublier les différences d’opinions pour ne se souvenir que de l’ancienne amitié. On pense bien que je ne me le fis pas dire deux fois.

Depuis la catastrophe du 10 août 1792, la liberté de la presse avait été absolument perdue pour tout homme qui n’avait pas des principes révolutionnaires ; mais on doit y joindre une circonstance particulière à notre révolution, c’est qu’il n’eût pas suffi à un écrivain de vouloir prendre en main la cause de la justice, de la liberté, de la propriété, contre d’exécrables tyrans ; il lui eût été impossible de trouver un imprimeur qui se fût hasardé à le servir ; et si le maître y eût consenti, il eût été impossible d’éviter d’être dénoncé par quelqu’un de ses ouvriers, toute cette classe d’hommes étant aveuglément dévouée à la révolution, haïssant les nobles, les prêtres, les riches, et disposée à servir ce qu’ils appelaient eux-m-