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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/44

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l’opinion commença à se prononcer fortement contre la loi atroce que j’avais combattue, et à laquelle, auparavant, on semblait déjà résigné. D’honnêtes gens, qui sont aussi des gens de mérite et de talent, tels que Boissy, Lanjuinais, membres de l’assemblée nationale, prirent la cause en main avec beaucoup de chaleur. Enfin, intervint le décret du 18 prairial (6 juin 1795), qui rend les biens de leur famille aux enfans et héritiers des malheureux injustement condamnés par les tribunaux révolutionnaires.

En disant que cette restitution a été, au moins en partie, l’effet du Cri des Familles, je sais que je puis être accusé par quelques personnes de laisser voir une prétention mal fondée, et de m’attribuer le mérite d’une justice qui se serait faite sans moi. Il y a des gens qui s’occupent avec beaucoup de zèle à ne laisser aux autres dans l’estime publique que la plus petite part qu’ils peuvent, quoique cette épargne ne tourne pas à leur profit. C’est à ceux-là que je répondrai.

Je sais, et je l’ai prouvé, que rien n’est plus évident que l’injustice de la loi que j’ai combattue. Quand on eût pu spolier les enfans innocens des condamnés supposés coupables, ce qui est encore d’une atrocité manifeste, on ne conçoit pas comment, après avoir reconnu l’injustice des condamnations prononcées par des tribunaux révolutionnaires, c’est-à-dire par des assassins masqués en juges, on a pu mettre en question s’il fallait main-