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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/75

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véritables propriétaires, qui étaient occupés, au moment même de la destruction de la compagnie, à publier cette nouvelle édition.

Enfin, pour tout avouer, dans les derniers mois, ce me semble, de 1795, Chénier, député a l’assemblée nationale, et misérablement célèbre par sa tragédie de Charles IX, et par d’autres ouvrages non moins révolutionnaires, s’étant avisé de déclamer violemment à la tribune contre la liberté de la presse, je lui donnai quelque sujet de se plaindre de cette liberté, en imprimant un petit écrit de quelque pages, intitulé : Pensées libres sur la liberté de la presse où je me moque assez gaiement de lui.

C’est ici le lieu de confirmer de mon témoignage une vérité, bien commune sans doute, mais que l’expérience m’a fait toucher au doigt : je veux parler du secours inestimable, incroyable, que donnent dans le malheur les études littéraires et l’habitude d’appliquer fortement son esprit. Je puis dire qu’en me livrant, comme j’ai fait toute ma vie, aux méditations politiques, en discutant à part moi toutes les grandes questions qui se sont élevées, en parcourant le vaste champ de la littérature et de la philosophie, mais surtout en écrivant beaucoup, j’ai trompé mes malheurs, c’est-à-dire ma ruine entière, et supporté ceux de mes amis, ce qui n’a pas été pour moi, j’ose le dire, un moindre effort que le premier. Aucun autre moyen, dans la nature de l’homme et des