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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/76

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choses, ne me semble aussi puissant que celui-là ; les exercices du corps les plus violens, le travail des mains auquel je m’adonne quelquefois, ne pouvaient me distraire, parce que mes idées et mes souvenirs me restaient ; au lieu que, dans les horribles années 1792, 93 et suivantes, entouré de mes papiers, écrivant des journées entières et plusieurs journées de suite, je tenais écartés de mon esprit les idées sinistres et les sentimens douloureux. C’est là le vrai népenthès, si ce n’est pas celui d’Homère.

Reste à savoir si j’ai fait l’éloge ou la satire des lettres, en montrant les occupations littéraires comme capables de faire oublier ou d’amortir le sentiment de tant de maux. Mais je dois cependant faire observer que, si j’ai trouvé en écrivant quelque soulagement aux souffrances de mon cœur et de mon esprit, c’est surtout en m’occupant des objets même qui les causaient ; c’est en versant mon indignation sur le papier, en cherchant à l’exprimer le plus énergiquement qu’il m’était possible. Je renvoie, pour le développement de ces réflexions, à ce que j’ai dit dans le Post-scriptum du Préjugé vaincu.