Page:Ménard - Éros, 1872.djvu/23

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EROS.

la terre à l’appel du Désir Éros tient Psyché embrassée, et, dans la caverne du monde sublunaire, Hèphaistos forge les chaînes de Promè- theus, emblème de la prison du corps. Les ancêtres de la race humaine, Deucalion, fils de Promètheus, et son épouse Pyrrha, ferment ce côté du tableau. L’autre côté en est la contre-partie. Éros, confondu avec Thanatos, renverse son flambeau éteintsur un cadavre et tient une couronne funéraire où se pose un papillon. Atropos ferme le livre de la destinée, et on voit, enveloppée d’un voile, se dresser la grande Nuit. Dans le ciel monte le char de la Lune, et Hermès, conducteur des âmes, emporte Psychè loin de la Terre, qu’il laisse sous ses pieds. Bientôt, par l’effort des vertus héroïques, Promètheus va être délivré de ses chaînes, car déjà Hèraklès perce de ses flèches l’aigle qui lui rongeait le cœur. Derrière le héros on aperçoit Atlas et le dragon des Hespérides, allusion au jardin céleste, où il va cueillir les pommes d’or.

Quelques antiquaires ont cru voir dans ce monument un mélange des traditions grecques avec la mythologie hébraïque; les figures de Deuca- lion et Pyrrha pourraient être prisespour Adam et Ève, et alors on aurait de l’autre côté, au lieu d’Atlas et du dragon des Hespérides, le Serpent d’Éden et le Tentateur. Sans admettre cette opinion, on peut reconnaître qu’une pareille confusion de symboles religieux n’est pas sans exemple dans les monuments de la dernière époque de l’art. Ainsi le groupe d’Éros et Psychè se trouve quelquefois sur les tombeaux chrétiens dans les catacombes de Rome. La philosophie alexandrine avait fait pénétrer dans tous les esprits cette allégorie du Désir céleste qui ramène les âmes vers les hauteurs. On le voit par les termes dans lesquels Proklos, le dernier des philosophes grecs, célèbre dans l’hymne à Aphroditè les Dieux ailés, les immortels Désirs. Leur double fonction est clairement indiquée par le poëte mystique, qui nous montre d’un côté ceux qui, « ministres des volontés paternelles et d’une bienveillante providence, pour multi- plier la vie dans l’univers, inspirent aux âmes le désir de naître sur la terre n, tandis que d’autres percent les âmes des flèches de l’Idéal, afin que, poussées par l’aiguillon du retour, elles aspirent à jrevoir les demeures splendides de leur mère ».

Ainsi le Polythéisme à son déclin, et le Christianisme à son aurore, se rencontraient dans une pensée commune, le dégoût de la terre et l’as- piration vers l’éternel silence. L’art moderne, peut-être sans en avoir conscience, a repris toute cette mythologie au point où l’avait laissée l’antiquité, en représentant sous la même forme, ainsi que nous le remar- quions en commençant, tes Amours sur la terre et les Anges dans le ciel. La légende de Psychè a inspiré à Raphaël un ensemble de chefs-d’oeu-