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La sphère de la religion est la croyance, la sphère de la science est la certitude. L’imagination et la foi règnent sur le domaine illimité de l’incertain et de l’inconnu ; mais à mesure que la science y étend ses découvertes, il faut que la croyance lui cède la place ; on ne peut pas croire le contraire de ce qu’on sait. Il est clair, par exemple, que la fable juive de Josué retardant le coucher du soleil pour achever le massacre de ses ennemis, et la fable grecque d’Hèrè faisant coucher le soleil plus tôt pour arrêter le carnage, ne peuvent se concilier avec les progrès de l’astronomie. Les sciences physiques sont fondées sur la fixité des lois de l’univers ; les sciences historiques sur le contrôle sévère des traditions. Mais tout ce que la science a droit de demander aux croyances c’est de ne pas la contredire ; le champ de l’inconnu étant sans bornes, il y aura toujours de la place pour la religion. Rien ne peut obliger la science à admettre ce qui n’est pas démontré, mais rien ne peut empêcher la religion de garder ses croyances sur les questions que la science n’a pas pu résoudre.

La connaissance complète de la vérité est l’asymptote de la science, on peut s’en approcher de plus en plus, mais on ne peut espérer l’atteindre jamais. La raison générale des choses, qui est le terme inaccessible de nos recherches, la religion essaye de la deviner. Elle expose les croyances de l’homme sur sa destinée, problème que la science ne peut pas même aborder, car l’origine et la fin des choses échappent à l’observation. L’esprit humain est ainsi fait qu’il lui faut des vues d’ensemble et qu’il s’intéresse aux questions d’origine et de fin, quoiqu’il sache qu’il ne peut vérifier ses solutions. Il croit ce qui lui paraît vraisemblable ; sans doute la foi n’est pas la certitude ; mais il est bon qu’il en soit ainsi : celui qui posséderait la vérité entière s’endormirait dans l’inertie de l’intelligence, car il n’aurait plus rien à chercher. Si l’homme se décourageait devant ces problèmes toujours posés et jamais résolus, il perdrait les aspirations incessantes qui entretiennent son activité et qui font sa grandeur.


L’Art et la Religion.


Le domaine de la science est la réalité, celui de la morale et de l’art est l’idéal. Le réel n’est qu’une des formes du possible, l’idéal en est la règle ; il est supérieur au réel, car il représente la loi et la raison des choses, ce qui devrait exister.

La beauté est la loi dans l’ordre physique. Elle n’est pas susceptible d’être démontrée comme la vérité, mais l’homme la conçoit par son intelligence, il aime à en reconnaître l’application dans la nature et il cherche à l’appliquer à ses propres créations. Parmi les diverses formes du travail, il en est, comme les œuvres de l’architecture et de l’industrie, que l’homme produit pour son usage, mais il cherche en même temps à les orner, à les rendre belles ; d’autres formes de l’art, comme la poésie, la musique, la sculpture, la peinture, n’ont pour objet que de satisfaire l’aspiration naturelle de l’intelligence vers la beauté.