Page:Ménard - Catéchisme religieux des libres-penseurs, 1875.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —

comme récompense aux vertus humaines n’empêche pas le développement d’innombrables superstitions.


II

RAPPORTS DE LA RELIGION AVEC LA SCIENCE, L’ART ET LA MORALE


L’intelligence humaine poursuit la découverte du vrai, du beau et du juste. La science, l’art et la morale, qui répondent à ces trois ordres de recherches, se rattachent par des côtés différents à la religion, qui est le lien général des hommes réunis en société, la forme spontanée de leur pensée collective, l’expression la plus haute de leur idéal. Mais la morale, l’art et la science sont aussi anciens que la religion, puisqu’ils remontent comme elle aux origines de l’humanité ; ce ne sont pas des enfants ingrats ou tardivement émancipés, qui voudraient dépouiller leur mère de son héritage. Chacune des formes de l’activité humaine a sa part à cultiver dans le champ commun de la civilisation, et il n’y a pas de raison pour que la religion en soit éliminée plus que les autres. Seulement, il est nécessaire de tracer les limites dans lesquelles doit s’exercer chacune des énergies de l’intelligence, de fixer les rapports de la religion avec la morale, la science et l’art.


La Science et la Religion.


La science observe les faits particuliers et les apparences changeantes pour en déduire des lois générales ; elle corrige elle-même ses erreurs et fixe elle-même ses limites. Les sociétés humaines marchent à la conquête de la vérité comme des aventuriers débarqués sur une côte inconnue. On s’avance au milieu des rochers, dans les gorges profondes où plane une religieuse horreur. Des bruits menaçants sortent des cavernes, le vent gronde à travers l’épaisse forêt, et la nuit multiplie les fantômes. Il faut avancer, cependant, à petits pas, en évitant les fondrières, sous la protection du grand ciel qui allume pour nous ses étoiles. On atteint les hauteurs, l’ombre se dissipe, l’horizon s’élargit, on rit des épouvantes passées. Et pourtant l’imagination n’avait pas menti, mais il faut comprendre sa langue mystérieuse. Ces spectres qui rugissaient dans la nuit, c’étaient nos terreurs qui prenaient un corps aux bruits confus de la tempête ; ces lumières sacrées qui nous guidaient du haut du ciel, c’étaient la raison et la conscience ; ces glaives et ces boucliers invisibles qui nous protégeaient contre tous les dangers, c’étaient la vertu de l’homme et son courage : nous ne nous étions pas trompés, ce sont là en effet des secours divins. La science ne traite pas la religion en ennemie quand elle en explique les symboles : elle lui offre au contraire un asile et une forteresse où le doute et la raillerie ne l’atteindront plus.