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de notre temps. Croire ce qui nous paraît absurde, ce serait abdiquer notre raison, mais avant de proclamer absurdes des croyances qui ont fait vivre une société, il faut essayer de les comprendre, et on peut dire de toutes les religions ce que Julien disait si justement de l’Hellénisme : l’absurdité même des fables nous crie qu’il faut en chercher le sens.

Si les fables morales avaient comme les fables religieuses un caractère sacré, on se croirait obligé ou de les accepter comme récits d’événements réels ou de les rejeter comme des mensonges. On ne prend pas à la lettre la Cigale et la Fourmi, le Renard et les raisins ou les Grenouilles qui demandent un roi ; on ne recherche pas si l’enfant prodigue et le mauvais riche ont réellement existé ; on ne s’inquiète que du sens de l’apologue ou de la parabole. Il y a aussi dans les mythologies un sens à découvrir ; les symboles ont une signification universelle, en dehors de l’espace et du temps. Cependant on hésite à appliquer à une religion vivante les procédés d’analyse qu’on emploie sans scrupule pour une religion morte ; on fait volontiers de l’anatomie, on répugne à la vivisection. On craint d’entendre des plaintes, comme une voix d’Hamadryade s’exhalant du chêne dont on soulève l’écorce. Quand l’Herméneutique stoïcienne découvrait un système de physique dans l’Hellénisme, qui était vivant à cette époque, on lui objectait que les prières dans les temples ne s’adressaient pas à des symboles, mais à des réalités ; la même objection pourra être faite à ceux qui chercheront le sens des symboles chrétiens. Elle serait fondée si, en distinguant le signe de la chose signifiée, ils prétendaient que cette distinction a été faite lors de la naissance du symbole, mais il n’en est rien : on sait bien que les idées naissent avec leur forme et ne se cachent pas sciemment sous des allégories, que les religions sont des créations spontanées, comme toutes les grandes œuvres collectives, le langage, les formes d’architecture, les épopées. Seulement, quand le sens d’un mot est perdu, on remonte à l’étymologie ; quand le sens d’une mythologie est oublié, on cherche quel pouvait être l’état moral et intellectuel des sociétés qui ont traduit leur pensée par des symboles religieux


Mythologie chrétienne.


Comme on avait appliqué l’analyse à la mythologie grecque longtemps avant de l’employer pour l’étude des autres religions, on a été entraîné d’abord à leur adapter le système d’explications physiques qui se trouvait juste pour l’Hellénisme : mais on est arrivé ainsi à méconnaître le véritable caractère de la mythologie chrétienne qui, en se greffant sur des symboles naturalistes, les a entièrement transformés et en a fait des conceptions morales et psychologiques. Le Christ a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde » ; c’est donc dans le monde intérieur, dans l’évolution de la conscience humaine qu’on doit chercher l’explication des symboles chrétiens.