(Ces ïambes ont été écrits après l’insurrection de Juin 1848, dans la colère de la défaite et le fol espoir d’une revanche. S’ils étaient restés inédits, je les aurais détruits après l’amnistie, car ce mot impliqe l’oubli réciproqe. Mais Karl Marx, à qi je les avais lus en exil, les a envoyés au poète allemand Freiligrath qi les a publiés ; ils doivent donc figurer dans une édicion complète. C’est une page d’histoire, qui expliqera l’ostilité du peuple contre les classes dirigeantes et son inercie devant le coup d’État. De Flotte m’a dit qu’il avait inutilement essayé de soulever le faubourg Saint-Antoine : « On fait des baricades sur les grands boulevards, la troupe bombarde les ôtels ». Les ouvriers répondaient : « La bourgeoisie aura donc aussi ses journées de Juin ».)
Si l’aveugle hasard me donait la puissance
Pour un jour, je voudrais tenir
Le glaive justicier de la sainte vengeance
Et le droit sacré de punir.
J’irais sur le cadavre épeler les tortures :
Au jour de l’expiacion
Œil pour œil, dent pour dent, blessure pour blessure
L’antique loi du talion.
Et je voudrais aussi, secouant la poussière
Des siècles dans l’oubli plongés
Évoquer leur douleur muète et satisfaire
Tous les morts q’on n’a pas vengés,