Page:Ménard - Poëmes, 1863.djvu/31

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trois mondes distincts. Moraliser la beauté ou la vérité, soumettre l'art ou la morale au raisonnement et juger un théorème par le sentiment esthétique ou par la conscience, ce sont trois tentatives de la même force, et qui rappellent la condamnation de Galilée.

Nous avons passé au creuset toutes les fleurs du voile d'Isis, nous avons voulu épeler les oracles obscurs de ses sphinx, mais nous ne pouvons définir ni la matière, ni l'esprit, ni la substance, ni la cause, ni le temps, ni l'espace. La science, comme la foi, élabore des conceptions subjectives, sans jamais pénétrer l'essence des choses. Sa sphère est le présent ; elle se tait sur les origines des mondes, de la vie organisée, de l'homme et des langues humaines. Si les mythes des races divines et des amours des anges sont d'obscurs hiéroglyphes, la génération spontanée et la transmutation des espèces sont de vagues hypothèses, et, mystères pour mystères, les grandes traditions de l'humanité valent bien les opinions écloses dans tel ou tel cerveau individuel. D'ailleurs les théories scientifiques sont encore plus mobiles que les dogmes religieux :