Page:Ménard - Poëmes, 1863.djvu/30

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et l'un n'est pas plus clair que l'autre. Selon la différence des formes données aux mêmes idées, on formule des lois physiques ou on cive des œuvres d'art. Il est permis, je pense, d'être à la fois de l'avis de Newton et de l'avis de Phidias.

La vérité est aussi nécessaire à la vie de l'esprit que la lumière à la vie des êtres organisés ; cessons donc de croire qu'elle date d'hier, et de proscrire les formes que le passé lui a données. En métaphysique surtout, la proscription est un signe de faiblesse. C'est la myopie de notre esprit qui nous enchaîne à des formes exclusives et à des hiérarchies artificielles. Pendant deux mille ans, l'homme a condamné la matière et immolé l'art et la beauté sur les autels de la morale. Mais la beauté est aussi divine que la vertu, et à ceux qui trouvent mauvais que Vénus soit moins chaste que la vierge Marie, on pourrait objecter que le Christ est moins beau qu'Apollon et Bacchus ; autant vaudrait se plaindre que la. gravitation ne soit pas assez morale. Aujourd'hui que le règne du Saint-Esprit commence, c'est la science qui veut astreindre l'art et la morale à ses lois, comme si ce n'étaient pas là