Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/117

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dans quel inconnu s’égaraient ses songes ! à quoi pense-t-elle ? à qui ? à celui qu’elle aime peut-être encore. Oh ! la tuer sans la faire souffrir, pendant qu’elle dort, et mourir près d’elle ! Boire son âme dans son dernier souffle, pour être sûr qu’elle ne sera jamais à un autre !

Le chant monotone des rameurs se mêlait à la cadence des rames dans l’eau du fleuve. Le ciel était plein d’étoiles. Il regardait la voie lactée qui est le chemin des âmes. C’est de là qu’elles sont descendues, à l’appel du désir. L’ivresse de la vie alourdissait leurs ailes, et elles sont tombées captives dans la prison du corps. Mais celles qui s’aimaient là-haut se rencontrent toujours et se reconnaissent. Hélas ! Pourquoi faut-il qu’elles se rencontrent quelquefois trop tard ? Si l’on pouvait, par la seule puissance du désir, s’envoler vers la patrie, éternellement seuls dans les bras l’un de l’autre, là-haut, dans le bleu, l’emportant sous mon aile loin des hommes et des anges, plus loin encore, au delà des dernières étoiles, au delà du regard de Dieu !

Elle ouvrit les yeux aux premières clartés de l’aube ; il respira son tiède regard chargé d’effluves et de sourires. Les rayons du soleil levant