Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/140

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lique avant leur incarnation. Les vêtements de peau faits par Iahveh sont une allégorie du corps terrestre, la pudeur est le stigmate d’une origine impure. Après l’ivresse de la chair, la honte et le remords : « Pourquoi te caches-tu ? Comment sais-tu que tu es nu ? » C’est que la conception est un grand mystère, le secret des Elohim et le silence est la loi de toute initiation ; l’épée flamboyante du Kéroub garde le chemin de l’arbre de vie.

L’incarnation est une chute volontaire et humiliante, la tache originelle un juste châtiment non de quelque faute antérieure à la naissance comme l’ont cru Empédocle et Hermès Trismégiste, mais de la naissance elle-même. Les âmes ont mal fait de vouloir naître et se séparer de l’unité primordiale. L’individuation implique l’égoïsme, la lutte pour l’existence, le droit de se défendre et d’attaquer. La vie est un combat de chacun contre tous. La douleur et la mort sont l’expiation de la naissance.

L’inflexible nécessité condamne tous les êtres vivants à s’entretuer jusqu’à la fin du monde. Il faut que la vie des uns se nourrisse de la mort des autres jusqu’à l’heure bénie où Brahma rentrera dans son sommeil, d’où il aurait dû ne jamais sortir.

Et pourtant, il est écrit sur les tables du Sinaï : « Tu ne tueras point ». Le Bouddha qui maudit la vie étend sa charité sur nos humbles frères les animaux, et défend de les sacrifier. Mais si la vie est mauvaise, pourquoi condamner le suicide et le meurtre ? Si nous avons eu tort de naître, pourquoi maudire la mort qui répare notre erreur ? Comment justifier le désaccord du symbole et de la loi ? Les religions qui rendent des oracles contradictoires peuvent-elles reprocher à la science de ne pas vouloir aborder les problèmes insolubles ?

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