Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/221

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dans la naissance reprennent la forme de leur première incarnation.

— Je ne puis vous suivre jusque-là. Vous prenez vos regrets et vos espérances pour des révélations, comme tous ceux qui ont imaginé une vie future, mais les fantômes chéris s’évanouissent quand on veut les embrasser. Un infaillible instinct a toujours comparé la mort à un sommeil sans rêves. Ni crainte ni désirs : cela vaut mieux que les tristes agitations de la vie ; laissons les morts dormir en paix.

— C’est vrai, la mort est le sommeil du désir, et l’art antique a eu raison de la représenter ainsi sur les sarcophages : Éros endormi ou éteignant son flambeau. C’est que le désir est égoïste et rapporte tout à lui-même, mais eux, nos protecteurs et nos amis, ils ne vivent plus qu’en nous et pour nous. Oui, tu as raison, qu’ils dorment en paix, mais près de ceux qu’ils ont aimés, répandant sur nous leurs influences bénies, et toujours pleins de pardon, car ils ont souffert comme nous.

— Et que deviennent, selon vous, les familles qui s’éteignent et les morts qu’on oublie ?

— Ceux que nous oublions nous oublient à leur tour : c’est le fleuve Léthé. Il y a sur l’autre