Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/170

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qu’il n’y avait pas d’autre salut pour lui-même et pour la Russie que de renoncer à l’orthodoxie et d’embrasser le catholicisme.

Mais la sobriété et la précision de sa pensée, non pas au point de vue logique, mais historique, le préservèrent de cette déduction. S’il n’en eut pas clairement conscience, il sentit tout au moins confusément que la force active du christianisme était tarie en Occident — dans la papauté romaine, comme en Orient — dans le tsarisme russe ; que ces deux essais de théocratie n’ont abouti ni l’un ni l’autre ; que l’idée de papauté comme unité universelle est une idée du passé et non de l’avenir ; que la Rome chrétienne, tout comme la Rome païenne, est un cadavre qui ne ressuscitera pas.

Le véritable désir de Tchaadaev était de libérer la Russie du double esclavage de l’Occident et de l’Orient. Il croyait à la destinée particulière et universelle de la Russie, distincte de celle de l’Europe et de Byzance. Il avait presque conscience que le salut de la Russie n’était pas dans l’orthodoxie, ni dans le catholicisme, mais dans une nouvelle révélation, encore inconnue, des principes religieux sociaux de l’Eglise comme Royaume de Dieu sur la terre, principes contenus dans la doctrine du Christ, mais non compris par les hommes. Il avait presque conscience que la Russie ne devait pas