Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/223

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de cette double censure. Il est vrai qu’ils achetèrent leur liberté peut-être trop cher. Ils sortirent complètement de la vie sociale pour entrer dans une solitude complète, s’enfoncèrent dans les ténèbres et le silence, descendirent dans le terrible souterrain de Dostoiewski. Ce que ce dernier rêvait pour l'homme du souterrain se réalisa chez les décadents. Le souterrain, c’est la suprême révolte libertaire de l’individu contre l’ordre social et naturel, c’est la non-acceptation du monde.

Mais tout au fond du souterrain, dans l’ombre La plus noire, s’est ouverte une baie inattendue ; elle brillait comme un point lumineux — ouverture sur un ciel nouveau.

Les décadents, les premiers, sont des mystiques spontanés, hors de toute tradition ecclésiastique. Ils sont la première génération de Russes qui cherche le mystère, sans bien savoir encore si ce mystère vient d’en haut ou d’en bas, de Dieu ou du diable ; ils ne le sauront qu’après être sortis de leur souterrain — du vieux mysticisme inconscient pour entrer dans la nouvelle conscience religieuse.

Cette même lutte entre les ténèbres et la lumière, entre Dieu et la Bête, qui est engagée par la révolution russe dans l’ordre social, se manifeste d’une