Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/76

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Le résultat serait extrêmement négatif… Pas la peine de risquer la fusillade pour rien…

Un petit silence, puis :

— On pourrait peut-être les faire accompagner et conduire par des députés. Les élus ont certaines facilités et nul n’oserait les inquiéter.

Cette fois, je me mis à rire. Ça devenait vraiment comique. Une compagnie de jeunes agitateurs guidée par le député Berthon, par Marcel Cachin ou par Vaillant-Couturier !… Ce Bela Kun en avait de drôles. Mais je crus nécessaire, tout en riant, de rétorquer :

— Les députés ?… Marcheront pas… Même s’ils marchaient d’ailleurs, ils se feraient pincer comme les autres car l’autorité militaire ne manquerait pas de se demander ce que ces messieurs viennent faire là… Mais je suis tranquille.. ils ne bougeront pas…

Je m’aperçus alors que Bela Kun rigolait lui aussi. Il se rapprocha de moi et me dit :

— Dépoutés… là-bas !… Pfft. !… fousillés !…

Il se mit à rigoler de plus belle et ajouta :

— Lafont !… Ernest Lafont !… fousillé !… fousillé !

Et il se frottait les mains, tout comme si on venait de lui annoncer qu’une usine flambait et sautait.

Mais, ici, il faut que je m’explique. À cette joyeuse époque, le député communiste Ernest Lafont n’était pas en odeur de sainteté parmi les bolchevistes. En voyage à travers la Pologne et à Moscou, il avait fait des blagues. On le tenait pour suspect. On le considérait comme un traître et un agent de la bourgeoisie. Ses amis étaient également des traîtres et des « petits bourgeois ». Il y avait, pour tout dire, un « cas » Lafont et il était fortement question de l’exclusion de cet indésirable.

Aussi l’exclamation de Bela Kun m’apparut très claire. Ernest Lafont, expédié en Allemagne, conduisant