injurieuses. Puis, avec le temps, tout se calma. Salmon, du reste, apprit par la suite que j’étais complètement innocent dans cette sombre affaire. Tout fut oublié.
Et un matin — c’était au mois de mai de l’année 1910 — je reçus un volume du poète : Le Calumet, avec cette dédicace amusante :
Nous eûmes ce projet de nous couper la gorge,
Ou bien encor de nous décerveler, pas moins !
Avec d’affreux geôliers, cher Méric, pour témoins,
Ainsi que des soudards ou des « Maîtres de Forge » ?
Nous nous comprenons mieux et je sais tout le prix
De votre amitié franche.
Ô, preneur de Bastille !
J’ai pris tout simplement, Madeleine-Bastille,
Mais, de là-haut, Méric, j’assiège un Paradis.
Dois-je dire que j’ai fait relier confortablement le volume et que je conserve pieusement ce témoignage « rimé » du duel féroce qui nous mit aux prises ?
D’autres poètes ? D’autres écrivains ? Tenez il y avait Maurice Robin, probe et consciencieux, un des fins dessinateurs de ce temps et qui, plus tard, tint la férule du critique aux Hommes du Jour. Et Gaston Syffert, un délicat poète, auteur de ces Brumes de la Vie où je cueille les vers que voici :
Trop gueux pour affronter la clarté des chemins,
Dans l’ombre et dans l’oubli, j’ai caché ma jeunesse ;
De rêve et d’idéal j’ai vêtu ma détresse,
Et je me suis créé des bonheurs surhumains.