leur gourme. Dans le tas, je note que l’un de ces chanteurs bénévoles a suivi, depuis, une carrière que rien ne laissait prévoir. Il est connu sur la place de Paris et administre un journal politique du matin. Un autre, qu’on nommait Gadbin et qui avait un réel talent de diseur, eut son heure de célébrité aux « Folies-Bergères », avec son numéro de l’Écrasé vivant. Il faisait passer une lourde automobile sur son ventre. Tout simplement. Il trouva sa fin, plus tard, à l’étranger, en exécutant un autre numéro : le « Saut de la Mort ».
Le directeur du Cercle était un petit bonhomme nasillard et malicieux, aux yeux clignotants derrière les verres du lorgnon. Nul ne l’égalait pour imposer le silence à l’aide d’un bon mot. Il commençait à fournir de chansons les cafés-concerts et obtenait déjà quelques succès. Mais il avait eu des débuts plutôt modestes comme garçon coiffeur. Quelquefois, il lui arrivait de s’armer d’un quart de soldat, d’un blaireau, d’un morceau de savon et, sous les arbres du Luxembourg, de nettoyer les mentons de ses compagnons, pour la somme modique de dix centimes. En même temps, il rimait ses premiers couplets.
Au Cercle il sacrifiait à la mode et lançait des chansons antimilitaristes.
Et il lançait aussi : « Viens Poupoule ! La Boiteuse, » etc. Le succès lui sourit peu à peu et il abandonna son caveau. Aujourd’hui, il compte parmi les plus grands fabricants de revues. Il fournit le Casino de Paris, les Folies-Bergères, tous les music-halls.