Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/141

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a lu Malebranche — tel le héros d’Alphonse Daudet qui, lui, avait lu Proud’hon.

De tels incidents étaient fréquents, d’ailleurs, au sortir de la Chope. Il arrivait qu’on recevait un coup de poing en l’honneur de Schopenhauer ou qu’on tombait victime des représailles de Max Stirner.

Souvent, le Grand Chose nous faisait faux bond. Il disparaissait pendant une semaine. On le rencontrait sur la Butte. Je voudrais vous le montrer, long et maigre, le visage anguleux, son chapeau pointu et étroit sur le crâne, l’aspect vague d’un Louis XI fureteur, installé au « Lapin Agile », dans la fumée et parmi les vociférations. Ni Pierre Mac Orlan, ni Max Jacob, ni Dorgelès ne peuvent l’avoir oublié. Si ces lignes tombent sous leurs yeux, ils l’auront promptement identifié.

Mais le Grand Chose était aussi une des gloires des boîtes des Halles où je le suivais volontiers jusqu’à sept heures du matin.

Dès que la Chope se vidait et que la dislocation s’opérait après une courte halte à la pâtisserie, Mayéras filait vers le quatorzième ; Marcel Deschamps accompagnait Bracke qui demeurait alors boulevard Saint-Germain, et le Grand Chose m’entraînait vers les ponts.

Aux Halles, nous retrouvions le poète Gaston Couté et le dessinateur Jules Depaquit, futur maire de Montmartre.