Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/155

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pontifes, et plongeait ses admirateurs les plus décidés dans des abîmes de perplexité. Les électeurs ne comprenaient point que cet orateur si mesuré, d’une rigueur presque mathématique de forme et de démonstration, pût aussi soudainement se transformer en causeur sarcastique, sceptique et iconoclaste.

Combien de fois a-t-on dit à Cabannes : « Tu as tort. Les électeurs sont de braves gens ; mais ils encaissent mal certaines plaisanteries. Surveille tes propos. » Bah ! Allez donc arrêter un cheval lancé, tout fumant, sur la route. Cabannes sentait tout le sang et tout le soleil de son Midi taper dans ses veines. Il était du pays du père Escat qui lui donnait volontiers la réplique et partageait, avec lui, l’escalope de veau à l’ail. Impossible de leur faire entendre raison.

Tout jeune, il s’était mêlé aux groupements libertaires et, sous le pseudonyme de Théodule Mauve, avait publié quelques pages d’un anarchisme sentimental. Puis le marxisme l’avait conquis. Et, depuis, il parcourait le pays, de l’Est à l’Ouest, du Nord au Midi, semant la bonne parole, attendant son tour pour pénétrer au Palais-Bourbon. Pauvre vieux ! La fortune électorale ne lui a pas été favorable et il s’en étonne. Car, sans y paraître, il est demeuré d’une déconcertante naïveté. Il tombait avec facilité dans les filets que de terribles blagueurs, tels que Compère-Morel ou Hubert Rouger, lui tendaient. Il y a sur lui des histoires fantastiques de quoi composer un recueil désopilant et que, seul, Hubert Rouger sait raconter.