Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/34

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Au dessert, Lafont se leva tranquillement, fouilla dans sa serviette et nous annonça qu’il avait égaré les lettres des témoins empêchés.

Exclamations de fureur. Il y avait de très belles pages de France, de Descaves, de Mirbeau, de Séverine. Fort heureusement, je les avais lues et relues. Je proposai :

— Je vais les reconstituer. Je les connais presque par cœur.

— Mais, dit Sembat, si les jurés demandent à les voir.

— Tant pis !… On leur communiquera les copies… on s’arrangera.

— Mais les auteurs ?…

— On leur expliquera s’il y a lieu.

Lafont résistait. Il estimait que ce n’était pas très « régulier ». Je lui criai, exaspéré :

— Vous, c’est votre faute. Nous comptions beaucoup sur ces lettres pour faire le procès du militarisme. Tant pis. Advienne que pourra !

Je réclamai du papier et une plume et, guidé par ma mémoire, je reconstituai à peu près les lettres. Je n’affirmerai pas, aujourd’hui, que je ne les « corsai » pas un peu.

Les lettres passèrent « comme à la poste ». Les jurés ne réclamèrent rien. Quant à Descaves, quant à Séverine, je crois bien qu’ils n’ont jamais eu connaissance de ce joyeux incident.

Mais je glisse sur les détails de ce procès (je n’en finirais pas) au cours desquels nous fûmes plutôt en posture d’accusateurs que d’accusés. Nous nous