Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/50

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sienne avant d’entrer en prison. Et, chaque jour, avec une mine désespérée, à faire pleurer un crocodile, il demandait aux visiteurs :

— Vous ne connaîtriez pas, par hasard, une jeune femme pitoyable qui… que… qui consentirait, enfin, à faire ma connaissance ?

Hélas ! les autres se tordaient. La chose, d’ailleurs, n’était pas facile. Et Marchal dut finir son temps — un peu plus d’une année — sans que l’ombre d’un jupon s’introduisît dans sa cellule d’ermite rageur et déconfit.

*
* *

Le premier camelot du Roy que nous vîmes apparaître à la Santé, un soir d’hiver, était un grand garçon maigre, au visage anguleux dont le nez était chevauché par des lunettes. Il vint vers nous, souriant, tendit les mains, déclara s’appeler Martin ; puis, sans ambages, affirma :

— Nous n’en avons plus pour longtemps. D’ici trois mois, nous sortirons tous d’ici.

— Quoi ! Vous pensez qu’une amnistie ?…

Le royaliste haussa les épaules :

— Avant trois mois, le Roi sera à Paris. Il s’installera sur le trône de ses pères.

J’avoue que cette belle confiance fit une énorme impression sur nous. Cette hirondelle hivernale annonçait le Roi ; nous annoncions bien la Révolution, nous, mais nous fixions une date beaucoup moins rapprochée. Trois mois nous paraissaient plutôt courts.