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Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/84

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Le pauvre homme se faisait un peu prier. Puis, décidé, il grimpait sur une table. Mais à peine avait-il ouvert la bouche que c’était un charivari assourdissant. L’assistance, en chœur, reprenait les vers, sur l’air de la « Marseillaise » :

« Pauvre jument !… poum ! poum ! poum ! poum ! »

Alors, mélancolique, le poète descendait de sa table et se réfugiait dans un coin.

Un jour, il bénéficia d’un petit héritage. Ce fut une existence joyeuse. Il régalait à la ronde. Il payait à boire à tous. À ce jeu-là, l’argent fondit en quelques mois.

Et la misère devint sa compagne habituelle. Il dégringola de taudis en taudis, tapant les compagnons les plus fortunés, couchant le plus souvent dehors, passant des nuits entières sous les galeries de l’Odéon. Mais il continuait à rimer. Chose étrange. Son talent, inexistant jusqu’alors, s’était précisé, affiné peu à peu, un talent sobre et amer, éclos dans la « purée ». Il réussit à publier une plaquette. Cela s’appelait : Versiculets. Au beau milieu, on découvrait ce titre : « Minuit, grand poème ». On tournait la page et l’on pouvait lire :

« Me voici donc encor débarrassé d’un jour ! »

Et cet alexandrin valait bien, en effet, un grand poème. Tout le bouquin était à l’avenant. La réputation de Poussin s’enfla, du coup, dans le monde du quartier.