émergés d’on ne savait quels repaires, armés de couteaux, de revolvers, de vieux fusils, d’outils, de matraques, descendit comme une marée sur les boulevards, saccageant tout sur son passage, grossissant sur sa route des flots de la foule ivre de colère. Ces cohortes se dirigèrent vers l’Élysée comme obéissant à un mot d’ordre.
La rencontre fatale se produisit aux environs de l’église de la Madeleine. On avait dissimulé des mitrailleuses et, sur tout ce peuple écumant, des avions ronronnaient sinistrement. Le vieil homme d’État, cynique et prêt à tout, tenait parole. Il rétablissait l’ordre.
Parmi des hurlements de douleur et d’épouvante la foule cherchait à s’évader, à fuir la mort. Des rafales de mitraille couchèrent sur les trottoirs et sur la chaussée des centaines de cadavres. Des blessés se relevaient, hagards, sanglants, avec des gestes de démence. Les survivants bondissaient les uns sur les autres pour échapper, s’accrochant, se frappant, se mordant, se déchirant. La Panique générale, après la décharge unique qui balaya les abords de la Madeleine, atteignit à une telle intensité que tous ces malheureux, détraqués par la peur, se piétinaient, s’entre-tuaient pour se soustraire aux coups des policiers qui les poursuivaient.
Le ciel très clair, fourmillant d’étoiles, semblable à une immense pelote piquée de millions de tête d’épingles, versait une lumière pâle sur cette boucherie.
Quelques heures après, un silence farouche s’installait sur la ville ensevelie dans la terreur.