Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/121

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Ce fut plus qu’un baiser, une succion prolongée, brutale, avide, une meurtrissure brûlante. Elle m’abandonna comme à regret. Elle eut un soupir, parut hésiter.

— Nous partons ?

Je réglai rapidement les consommations et rejoignis Juliette dans la voiture qui démarra. Je voyais, à travers la vitre, le dos courbé et les épaules larges du chauffeur, un homme âgé, à la barbiche blanche et qui semblait, néanmoins, doué d’une vigueur peu commune. Juliette, affaissée, à mon côté, les yeux dilatés, ne prononçait pas une parole. Soudain, elle se jeta sur moi, prit ma tête entre ses mains :

— Embrasse-moi encore.

Elle m’étreignit sauvagement. Je me dégageai non sans effort.

— Voyons, tu n’es pas raisonnable, ma petite. Est-ce la mer qui te met dans de tels états ?

Un gros rire. Elle me considéra un court instant avec, dans ses prunelles sombres, je ne sais quel reflet de commisération méprisante. Elle toussota, deux ou trois fois. Puis, les doigts dans son sac, elle expliqua :

— J’ai mal à la gorge.

Elle exhiba deux pastilles rondes et roses.

— Je t’en offre pas. Ça n’a pas de goût.

Puis elle se pencha vers la vitre et se mit à tambouriner une sorte de marche :

— Que fais-tu là ?

— Moi, dit-elle, avec un sourire qui découvrit ses dents pointues… Je ne sais pas…