Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/125

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Je fais quelques pas, péniblement, dans l’étroit réduit où l’on m’a jeté. Peu à peu, mes idées deviennent plus claires, et l’étau douloureux qui presse mon front semble se desserrer. Mais un tiraillement au creux de l’estomac m’informe qu’il y a des nécessités inéluctables. J’ai faim… Depuis combien d’heures n’ai-je point mangé ? Je piétine dans ma cellule, cherchant des yeux un bouton électrique, une sonnerie, quelque chose qui me permette d’appeler. Est-ce qu’on va me laisser là seul… sans rien à me mettre sous la dent ? Est-ce qu’Ugolin, avant de torturer ses victimes et de leur extraire la semence de vie, ne les engraisse pas à la façon de poulets promis à la broche ?

Mais j’ai, soudain, l’impression que je ne suis plus seul dans mon cachot. Je me tourne d’un mouvement brusque. C’est vrai. Il y a quelqu’un qui vient de pénétrer, silencieusement, par la porte roulant sans bruit. Et ce quelqu’un je l’ai immédiatement repéré. C’est le chauffeur, l’homme au torse puissant, à la barbiche blanche. Je me précipite vers lui.

— Allez-vous m’expliquer ?

Il a un sourire, porte son index à sa lèvre et fait :

— Chut !

Il sort de sa poche un petit flacon dont il arrache rapidement le bouchon, en verse le contenu dans un gobelet d’argent qu’il tient dans sa main gauche et qu’il me tend, toujours souriant :

— Buvez, dit-il, ça va vous remettre tout à fait.

— Mais…

— Buvez. Vous ne craignez tout de même pas