et dorée qui doit contenir quelque Vouvray. Le tout, sans une parole. Je l’interpelle :
— Dites-moi, l’ami, qu’allez-vous me servir de bon ?
De gros yeux ronds roulant dans leurs orbites me dévisagent. Le Noir pose son plateau ; puis il place tour à tour sa main à son oreille et à ses lèvres. Qu’est-ce que cela signifie ? Je ne comprends pas. Mais l’homme répète son geste. Un gloussement sort, avec effort, de sa bouche. Cette fois, j’y suis. L’homme n’entend pas, ne parle pas. Ce nègre est sourd-muet.
Je lui tourne le dos de dépit et affecte de ne plus m’occuper de lui ni de sa table. Et pourtant, la faim me tourmente effroyablement et, aussi, la crainte d’un repas trop sommaire, ou trop spécial. Pourvu qu’Ugolin ne me fasse pas ingurgiter quelque horrible mixture de sa composition.
J’avais tort. Ugolin sait fort bien faire les choses. Depuis les hors-d’œuvre jusqu’au dessert, en passant par une tranche de gigot savoureuse et des petits pois absolument exquis, tout a été parfait. Le Monstre possède un maître queux de premier ordre, ce dont je serais ravi de pouvoir le féliciter. Par contre, le sommelier s’est montré plus chiche. La petite bouteille de vin blanc, délicieux et réchauffant, ne m’a pas suffi. Sans doute Ugolin donne-t-il dans l’antialcoolisme et c’est fâcheux, très fâcheux. Fort heureusement, il n’est pas adversaire du pétun, car ce sacré sourd-muet