Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/132

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nages, immobiles et attentifs. Trois vieillards et pourtant… Leurs visages creusés de rides, sillonnés de plis, jaunes et desséchés ont, malgré tout, un extraordinaire aspect de jeunesse… une jeunesse qui se devine dans le regard tranquille et scrutateur qu’ils attachent sur moi. L’un, celui de gauche, est long, voûté, le crâne orné d’une touffe de goémons, le nez concupiscent, aux narines agiles qui semblent vouloir happer on ne sait quoi d’invisible. Il est entièrement rasé et sous les corniches des sourcils, ses yeux trépanants ont des reflets d’acier. Le deuxième, à gauche, de taille plus courte, assez râblé, l’abdomen imposant, arbore un visage couronné de poils gris, jaunes, café au lait, qui mangent les joues, dévorent les tempes, assiègent les pariétaux, rejoignent la broussaille blanche des cheveux. On ne voit que ça en lui, l’abondance pileuse autour d’un nez aplati, sous de petits yeux jaunâtres et bridés. Mais le plus caractéristique, c’est le phénomène qui se tient au milieu, recroquevillé dans son fauteuil. Oh ! celui-là, toute mon attention va à lui, irrésistiblement, passionnément. Il m’épouvante à la fois et m’intrigue, et me donne cette folle envie de rire qui travaille les nerfs des enfants au spectacle de quelque magot ou d’un fantoche de carnaval.

Quelle est donc cette grotesque et absurde Trinité tout habillée de solennité ? Suis-je devant un tribunal et vais-je assister à mon jugement suprême. Minos, Éaque, Radhamante ! Je me tâte pour voir si je suis bien vivant. Tout de même, mon destin ne m’a pas conduit dans les Enfers. Que me veulent ces trois vieux bonshommes silencieux ?