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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/133

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Une petite toux encore, le glissement d’une corde moisie sur une poulie rouillée. Et c’est l’homme du milieu qui parle. Il tient un coupe-papier dans ses doigts maigres, un coupe-papier d’ivoire avec lequel il joue, un peu fébrilement. Il articule, d’une voix dont la douceur inattendue coule dans mes oreilles comme des gouttes d’huile (de l’huile d’olive) :

— Monsieur Doucet, veuillez vous asseoir.

Machinalement, je me laisse aller dans un fauteuil face au bureau où s’entassent des livres, des paperasses en désordre. Les trois juges me contemplent avec une insistance désagréable et qui me gêne atrocement. Je me hérisse et, à mon tour, j’examine le type du milieu. Je n’aperçois guère que ses doigts minces et longs qui tremblotent, une main brandissant le coupe-papier, l’autre tapotant le bureau qui doit être fait d’un métal rare, inusité, et rend un son bizarre. Sa tête seule surgit, tant il semble affaissé, plié sur lui-même. Mais quel visage aux poils indéfinissables, aux tons de vieil ivoire, creusé, labouré, raviné, à la peau sèche qui laisse saillir les os. Les zygomatiques tirent à hue et à dia, lui fabriquant un aspect tantôt sardonique, tantôt pleurnichard. Le frontal est dégarni et, sur le dôme du sinciput, à peine quelques brins de poils neigeux comme des fleurs anémiques sur une crête. Les yeux disparaissent sous des bourrelets épais. Ce n’est pas un visage, c’est un masque derrière lequel je sens, cependant, une âme ardente. Quel âge peut avoir ce personnage ?

— Monsieur Doucet, je viens d’entrer dans ma qua-