Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/146

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chanteresse Médée ! L’adorable histoire de Médée, fille orgueilleuse conquise par Jason. Nous sommes sous le firmament de Thessalie. L’encens brûle sur le brasier sacré : les victimes tombent sous le fer, leurs cornes entrelacées de bandelettes d’or. Une nappe rose de calme. Mais on ne voit pas Éson, le père du héros, le vieil Éson terrassé par l’âge. La mort étend ses sèches ailes sur lui. Et Jason se désespère. Il s’adresse à son épouse : O cui debere salutem… Ô toi ! l’auteur de mon salut… Il l’implore. Des années de ma vie pour les rajouter aux années de mon père, supplie-t-il. Et Médée en pleurs tend ses bras vers Hécate, la triple Hécate, l’adjurant de la seconder et de consentir au grand œuvre…

J’interromps brusquement ma lecture. Par quelle coïncidence inouïe suis-je tombé sur la légende de ce vieillard pour lequel on quémande la jeunesse ? Je n’échapperai donc point à cette hantise ? Ou faut-il voir, dans ce curieux hasard, comme un avertissement ?

Bah ! Je poursuis. Trois nuits se sont écoulées. La lune forme un cercle parfait, un disque plein et rebondi, quelque chose (mais ce n’est pas Ovide qui dit cela) comme une obscène boursouflure. Médée sort de son palais, la ceinture flottante, nu-pieds et les cheveux épars sur ses épaules nues. Nuda pedes, nudos humeris infusa capillos… Tout est sommeil autour d’elle. Médée appelle la triple Hécate, dépositaire et protectrice de ses desseins. Elle supplie la Terre qui fournit à son art des herbes toutes-puissantes. Elle prie les zéphyrs, les fleuves et les lacs, les dieux des forêts et les dieux des ténèbres. Elle dit : « Ô dieux !