Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/17

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Doucement obstiné, je balbutie :

— Ugolin est le Maître.

— Faut-il, poursuit Néer, violemment, voir là un rappel discret de la loi naturelle ?

— Ugolin est toute Force, toute Sagesse !

— Et toute faiblesse aussi.

Il dit et recule de quelques pas. Je m’élance les mains tendues vers lui.

— Néer… Néer… ne partez pas encore. Tout ce que vous venez de me confier, je me le suis répété déjà maintes fois… Je connais les mêmes horribles doutes… Ainsi, vous croyez, vous aussi, que cette aventure aura son terme, que nous nous en irons, lentement, les uns après les autres, que les Cercles de l’Élite disparaîtront… Les calculs d’Ugolin seraient faux… Que va devenir le Monde ?

— Les moins vieux jeunes nous remplaceront.

— Les moins… oui, j’entends… La Vie transmise d’un être à l’autre… comme autrefois… et non plus résorbée en un seul être… Mais alors était-ce bien la peine de…

Je n’achève pas. Un carillon diabolique ébranle soudainement toute la pièce. Je me hâte vers ma table de travail ; je presse des boutons. Je ne sais quelle angoisse absurde vient de m’envahir. Je hurle, la tête penchée en avant, les mains accrochées aux bords de la table où je casse mes ongles :

— Quoi ?… que se passe-t-il ?… que me veut-on ?

Une voix faible, lointaine, plaintive, comme un glas :

— Ugolin.

— Eh ! bien !… Quoi… Ugolin ?…

— Ugolin évanoui… Mort peut-être.