Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/179

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Il se remet à toussoter. Ses yeux brillent d’un éclat de fièvre. Un instant, je me demande si quelque crise ne le menace point. Mais il se calme brusquement. Avec un haussement d’épaules, il se rassied à sa table et sa voix se fait plus douce.

— C’est là l’Humanité que vous voudriez nous conserver ? Merci du cadeau. Sans doute, trouvez-vous que les sociétés modernes sont parfaites et qu’il est inutile de poursuivre leur transformation brutale ? D’autres que moi, pourtant, l’ont voulu, et sans résultats appréciables. Toujours, au cours des âges, chez les parias d’Orient, parmi les tribus d’Israël, dans l’esclavage antique aussi bien que dans le prolétariat contemporain, les dépossédés se sont efforcés de changer l’ordre social. Les émeutes et les révolutions se sont succédé. Les guerres civiles ont donné leur réplique sanglante aux guerres nationales. Tout cela sans effet. Parce que l’individu n’a pas su atteindre à la conscience et que les hommes au pouvoir, quels que soient les remous qui les y ont portés, demeurent des hommes avec leurs tares, leurs faiblesses, leurs ambitions, leur sale orgueil que fortifie encore l’exercice de l’Autorité. M’avez-vous compris ? Vous rétorquerez que les révolutions ont toujours provoqué un progrès sensible, délivré le troupeau d’un joug odieux. Ah ! bah ! L’esclave fait place au serf, le serf au salarié. À la base, il y a, constamment, l’exploitation de l’homme par l’homme. Les révolutions ne font qu’en changer les modalités ou en atténuer temporairement la violence. Comédie en plusieurs actes. Les jacobins ont accumulé les cadavres, imposé un régime d’implacable terreur pour